L'INFIRMIER FACE AUX RECITS
D'EXPERIENCE DE MORT IMMINENTE

 
Mémoire de fin d'études en soins infirmiers réalisé par Xavier RODIER,
Institut de formation en soins infirmiers de LIMEIL BREVANNES: Promotion 1994/97

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E. CONCLUSION

" Tout nous ramène à quelque idée de la mort,
parce que cette idée est au fond de la vie. "
Chateaubriand, Voyage en Amérique.

  Les expérienceurs ont vécu quelque chose qui dépasse nos conceptions de la vie et de la mort. La rencontre des expériences de mort imminente est un phénomène brutal, bouleversant pour ceux qui vivent cette expérience encore hors d'atteinte de notre conscience [9, 48].

  Bouleversante dans la vie de l'expérienceur, car en un instant, il acquiert plus qu'une absolue certitude, il " sait que la mort n'existe pas [15, 16]. " Il vient de la vivre, dans ces débuts et, rescapé des frontières de la mort le témoin revient nous dire qu'il a expérimenté un autre corps que son corps physique :

  " Dans cet autre corps, il voit son corps physique inconscient et traverse par mégarde l'infirmière ou le médecin. Il a même ressenti leur émotion de panique alors que lui est tout à fait calme, détaché.

  Une fois l'effet de surprise passé, il prend conscience d'une présence ou se sent aspiré. Il traverse un tunnel, rencontre parfois des proches décédés, perçoit une lumière plus intense que le soleil mais qui ne l'aveugle pas.

  Une fois dans la lumière, il se sent submergé d'amour. Un amour qui n'existe pas sur terre. Un amour infini, inconditionnel, source de vie, de paix et l'expérienceur établit un lien définitif qu'il a vécu.

  Il est ensuite accueilli par deux êtres de lumière qui, parfois, peuvent l'emmener dans des cités de cristal ou de lumière, ou parfois, peuvent le guider auprès de Jésus Christ avec qui il communique.

  Constatant qu'il n'a pas fini sa vie, l'expérienceur réintègre son corps et reprend conscience de son hospitalisation, qu'il vient de faire un arrêt cardiaque ".

  Le témoin est bouleversé par la réalité qu'il vient de vivre, il ne se pose pas la question de savoir si ce qu'il vient de voir est vrai, mais il se sent tout à coup " seul au monde ". Comme tous ceux qui découvrent les E.M.I. c'est un choc car il n'a jamais entendu parler de " ça " et n'aurait jamais imaginé, ni même pensé que cela puisse exister.

  Le témoin n'est pas enclin à parler face à l'agitation qui règne dans le service.

  Il préfère ne rien dire à personne, de peur qu'on le prenne pour un " fou ", ce qui s'avère être une réaction généralement répandue face aux récits d'E.M.I. [48 p 134].

  Ici commence le processus d'intégration de l'E.M.I. [44]. Chemin pénible pour le témoin qui peut prendre de 15 à 20 ans.

  Pour sortir de son isolement, le témoin a besoin de parler de son expérience. Mais à qui parler ? Dans la majorité des cas, c'est le conjoint du témoin qui sera le premier confident à recueillir le récit d'E.M.I.

  Le conjoint est généralement l premier confident du récit d'E.M.I.

  Les autres personnes auxquelles le témoin peut parler de son E.M.I. sont choisis en fonction du degré de confiance qu'il ressent, et ne dépasse rarement pas le cercle des proches.

  De là, l'expérienceur cheminera dans sa vie au gré des " hasards " et des rencontres. Un hasard constant chez le témoin d'E.M.I. est la découverte tôt ou tard de " La vie après la vie "[20], véritable révélation. Il peut enfin mettre un nom sur ce qu'il a vécu et se sent tout à coup moins seul, mais de un à dix ans viennent de s'écouler. Le bénéfice secondaire direct de cette " révélation " (qu'il n'est pas seul !) est qu'il tend à atténuer d'éventuels troubles de l'ajustement ou dépressifs pour les témoins restés isolés trop longtemps.

  Ainsi, au bout de plusieurs années, l'expérienceur est parvenu à intégrer en bonne partie son expérience [44]. Il n'a plus rien à se prouver ni à prouver. Il sait et le vit dans un ici et maintenant permanent, en harmonie avec lui-même, avec la nature, plus ou moins adapté à son environnement socioprofessionnel.

  Son désinvestissement des valeurs matérielles, son souci de l'autre, son appétence spirituelle, sa soif de savoir, ses nouvelles valeurs de vie, sa perception dela vie et de la mort ont donné un sens nouveau à la vie de l'expérienceur [26, 44]. Il est parvenu à intégrer son expérience :

- Il ne se croit pas fou,

- Il a retrouvé une activité sociale et une vie familiale normales dans lesquelles il se réalise,

- Il ne se prend ni pour un élu ni pour un missionnaire.

  15 à 20 ans viennent de s'écouler [48]

 

  Les études faites sur les témoins d'E.M.I. démontrent l'extraordinaire pouvoir curateur et transformateur des E.M.I. [26, 44].

  Au bout du compte, l'expérienceur est un " humain parmi les humains " qui a réussi la double performance d'équilibrer ses relations entre lui et les autres tout en trouvant un sens à sa vie et en lui donnant corps.

  Lorsque nous prenons le temps de rencontrer des expérienceurs et que nous leur demandons : (Question 6) Pensez-vous que cela aurait pu changer quelque chose si vous aviez parlé de votre E.M.I. à un(e) infirmier(e) comme nous le faisons actuellement ?

  " Je me serai sentie moins folle ", " Cela m'aurait permis de mieux comprendre ", " Je ne suis pas sûr que ça aurait changer quelque chose, mais de pouvoir lire sur le sujet... ", " J'aurais su que ça existe au moins... " sont les propos que nous avons recueilli parmi les témoins que nous avons interviewé.

  Ces propos sont de nature à valider l'objet de notre recherche, à savoir :

" L'infirmier, dans le cadre d'une relation d'aide,

pourrait permettre à un sujet d'E.M.I. de mieux intégrer son expérience "

  Ces incursions, volontaires ou non, aux frontières de la mort, liés entre autres à nos techniques de réanimation, nous apporte des milliers de témoignages. Nous pensons que le nombre de ces témoignages devrait croître de manière significative dans les années à venir.

  Compte tenu du nouvel élan spirituel qui parcourt ce monde déshumanisé en quête de sens, nous pensons que les bonnes volontés finiront par triompher des obstacles qui s'opposent à des enquêtes prospectives en milieu hospitalier et ainsi avoir une projection de la fréquence des E.M.I. Quels résultats se cachent derrière cette enquête tant attendue ? Quelles conclusions pourrions-nous en tirer ?

  Et qu'en est-il à l'échelle internationale ? Verrions-nous l'hypothèse de Kenneth RING et de John White se réaliser ? : " Nos expérienceurs s'inscrivent dans une vaste mutation "... " On ne les appellera plus homo sapiens, mais noeticus " [28 p.369].


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