LA HOUILLE BLANCHE
REVUE DE L'INGENIEUR HYDRAULICIEN
DECEMBRE 1961 N°.6 p.873-881
Avec la collaboration du Professeur Cyprien LEBORGNE
L'EAU... CULTE
(à propos du problème n°.88)(*)
Mes chers Amis,
Dans le premier numéro de cette année, j'avais
demandé à notre secrétaire de rédaction
de présenter la photographie des principaux
intéressés par le mystère de "l'Eau...
Culte", à savoir : M. le Curé d'Arles-sur-Tech, M.
ROUGE, instituteur, passionné du problème, et le jeune
collaborateur que j'avais chargé de certaines missions pour
percer le secret du sarcophage.
Depuis, ma rubrique a disparu des colonnes de La Houille Blanche
et certains ont dû penser que j'avais pris une retraite bien
méritée et que j'avais abandonné mes
chères études et en particulier celle de l'eau mystérieuse.
Il n'en est rien et si mes Miscellanées ont fait
longtemps défaut, c'est que la place qui m'est impartie dans
la Revue dépend étroitement du sommaire des
numéros, et vous avez pu voir que les derniers numéros
étaient assez chargés.
Quant au problème de " l'Eau... culte " il
n'était pas abandonné, au contraire, et je vais vous en
administrer la preuve ci-dessous.
Mais tout d'abord qu'il me soit permis, publiquement, de
remercier "Peppone et Don Camillo" pour la
compréhension avec laquelle ils m'ont accueilli, et pour
toutes les facilités qu'ils m'ont accordées lorsque je
leur ai exposé mes projets.
Le sarcophage d'Arles-sur-Tech est situé dans une
enceinte fermée à clef et M. le Curé a bien
voulu mettre cette clef à notre disposition pour que nous
puissions l'approcher à tout moment du jour et de la nuit.
Durant plus de deux mois, - une seule interruption de quelques jours
pour Pâques en raison des visites de fidèles ou de
touristes -, nous avons pu procéder journellement à des
mesures, des observations, des expériences, selon un programme
établi à l'avance.
Lorsque je dis "nous" il s'agit en fait de
l'admirable et dévoué M. Rougé, qui instituteur
en retraite, s'est mis à notre disposition avec toute sa
gentillesse, et son amabilité, sa patience, son esprit
cartésien aussi, pour chaque jour, à la même
heure, relever les observations que nous lui avions demandé de
faire, surveiller les appareils enregistreurs, noter les moindres
petits faits survenus, installer des matériels, toutes choses
que vous trouverez décrites dans le long rapport que mon
collaborateur a rédigé ensuite et que je vous
présente ci-dessous.
Avec retard, direz-vous - Eh oui ! Mais comprenez-moi, mes
chers Amis ; Arles-sur-Tech est une petite ville charmante qui fleure
bon le mimosa à la saison, qui s'étale et s'étage
languissamment sur des collines baignées de soleil au pied
des Pyrénées, qui dispense l'ombre de ses ruelles au
fort de l'été, une petite ville calme où il
ferait bon ne rien faire sinon montrer le sarcophage des saints Abdon
et Sennen aux touristes avant que de leur raconter les vertus de la
pierre qui produit de l'eau.
Or, nous avons travaillé, cogité, sondé,
palpé, siphonné - que sais-je encore ? - et - horresco
referens ! - nous avons mis le doigt... sur la goutte qui
remplit le sarcophage.
Voyez maintenant notre crise de conscience.
Sous les voûtes légères du vieux
cloître, à M. le Curé, à M. Rougé,
nous expliquons ce que nous avons cru découvrir... Nous savons
que la presse d'information va s'emparer de nos recherches, de nos
résultats, nous savons aussi que l'été approche,
que les touristes vont venir. Le secrétaire de la
rédaction qui est avec moi pense, j'en suis sûr, à
toutes ces pages de la Revue qu'il va devoir m'accorder pour ma
prochaine chronique...
Arles est une bien jolie ville, si accueillante, nos nouveaux
amis sont si charmants...
" Allons donc déguster un malvoisie aux Caves
Mourargues : Pérard, pondez-moi un rapport... vous me
comprenez ! Prenez le temps qu'il faut - largement - Laissons encore
couler l'eau avec le temps... Dans tous les cas, nous aurons fait un
beau voyage... "
Et voilà pourquoi votre fille fut muette... si longtemps.
C.L.
(*) La Houille Blanche, n° 1/1959.
SARCOPHAGE
D'ARLES-SUR-TECH
Rapport technique
Nous rappelons le problème posé à La Houille Blanche :
Un sarcophage en marbre, reposant sur le sol par l'intermédiaire de deux blocs, et fermé par un couvercle lui-même en marbre, est le siège d'un curieux phénomène : de l'eau s'y rassemble, pratiquement pure et semblable à de l'eau distillée. On peut en extraire, en moyenne, trois cents litres par an.
Les faits et les données de l'expérience,
malheureusement, étaient, comme on a pu s'en rendre compte par
la suite, ou incomplets, ou inexacts. Nous ne reviendrons pas sur la
disposition des lieux, ni sur les chiffres les plus fantaisistes
concernant les volumes d'eau recueillie (" il est arrivé
qu'on tire du sarcophage, en une seule fois, plus d'eau qu'il n'en
peut contenir "), ni sur certaines expressions trompeuses ("
le sarcophage déborde parfois ", ce qui,
immédiatement, fait penser au moins à un filet d'eau,
alors qu'on peut lire dans un constat : "le liquide
déborde, une grosse goutte tombe toutes les deux minutes sur
le devant du tombeau...").
Par contre, nous avions noté au départ que le
sarcophage reste apparemment sec et que la température à
l'intérieur du sarcophage est supérieure de 2 ou 3
degrés à celle de la paroi externe. Nous avions
noté également " qu'il se rassemble chaque jour de
1 à 2 litres d'eau, et que la production d'eau a,
paraît-il, lieu en tous temps ".
En vue de trouver une explication au phénomène
constaté, nous avons émis a priori, ou, le plus
souvent, repris certaines hypothèses (*1).
Les principales sont les suivantes :
- Remontée capillaire par l'intermédiaire des dés ;
- Condensation de l'eau contenue dans l'air pendant les heures chaudes de la journée (c'est-à-dire quand la température des parois du sarcophage est inférieur à celle de l'air ambiant) ;
- Phénomène de rosée (refroidissement du sarcophage pendant la nuit, par suite du rayonnement, avec abaissement de la température des couches d'air voisines et dépôt de gouttelettes d'eau) ;
- Complétant les deux hypothèses précédentes ; traversée possible du couvercle par l'eau condensée (et, pourquoi pas alors, de l'eau de pluie !) par effet de capillarité et de gravité.
Nous ne reprendrons pas maintenant une discussion de ces
hypothèses, car, pour justifier le bien-fondé de
certaines, et éliminer les autres, nous avons proposé
un programme simple d'expériences et de mesures à faire
sur place.
Expériences in situ
Nous avons pu nous rendre à Arles-sur-Tech, mettre à
exécution le programme de mesures, faire relever pendant un
certain temps les appareils mis en place, et, après plus de
deux mois et demi d'observations, tirer quelques conclusions.
Les mesures effectuées ont porté sur :
- La température (thermomètre enregistruer placé
à proximité du sarcophage, bande relevée outes
les emaines) ;
- L'humidité (hygromètre enregistreur placé
à côté du thermomètre) ;
- Le niveau de l'eau dans le sarcophage, (niveau repéré,
sur une réglette graduée, dans un tube relié
par un siphon à l'intérieur du sarcophage) ;
- La direction et la force du vent ;
- La pluviométrie.
Les expériences, sur place, faites avec l'accord de M.
le Curé d'Arles-sur-Tech, ont été les suivantes
(nous parlerons lus loin des expériences faites en
laboratoire) ;
- Mastiquage du pourtour du couvercle de façon à voir
si l'eau venait uniquement de l'air qui peut circuler dans le
sarcophage ;
- Pose d'une housse en nylon sur le couvercle, un espace de 5 cm
étant cependant laissé pour permettre une circulation d'air.
De façon à rendre les résultats plus
significatifs (bien que, à raison de 2 litres par jour, nous
eussions dû voir le niveau varier de façon très
sensible) chaque expérience a été faite pendant
au moins une semaine, et a été
précédée et suivie d'une semaine sans expérience.
Rentrés à Grenoble, nous avons attendu que l'on
nous transmette, semaine par semaine, les courbes des enregistreurs
et l'évolution du niveau.
Malheureusement pour nous, le niveau n'a pas daigné
bouger pendant deux mois, ou plus exactement, il s'est abaissé
de quelques millimètres chaque fois que M. le Curé a
prélevé quelques litres d'eau (ce qui prouvait quand
même que notre système de mesure du niveau était
valable, quoique rudimentaire ! ). Ce premier résultat est
très important. Il montre qu'il ne se produit pas 1 à 2
litres d'eau chaque jour, et la production n'est donc absolument pas
continue, ce qui aurait pu être vérifié depuis
fort longtemps.
Nous avons obtenu de belles courbes sur la température avec minimum à 6h du matin égal à 5 ou 6°C en mars, un peu plus élevée en avril, et maximum vers 14h n'ayant jamais dépassé 19°C. La variation journalière moyenne pendant ces deux mois a été d'une dizaine de degrés (ces chiffres sont donnés à l'attention des personnes qui ont fait des petits calculs sur la quantité d'eau que l'on peut recueillir par la condensation).
AFFAIRE : ARLES-sur-TECH
N/Réf. : Lab. Ch. Ho. Bl.
Cyprien Leborgne
RESULTATS D'ANALYSES
EAU = Conductivité ( mmhos/cm/25°) 0.171
Carbonates (me/l) 0.0
Bicarbonates 1.25
Calcium + magnésium 1.88
PIERRE = Porosité actuellement pratiquement nulle (mais petit échantillon, de bord coloré par oxydes divers apportés ou exsudés) ; densité 2.9
Les courbes d'humidité relative ont été beaucoup plus irrégulières, 50% certains jours, 80% d'autres jours, avec cependant en général, un minimum vers 14h et un maximum le matin vers 6h. Nous avons pu constater des valeurs très faibles lorsque la tramontane soufflait. Mais à quelques exceptions près, l'hygrométre n'a jamais, pendant deux mois, indiqué 100% d'humidité relative. Et pour cause ! Pendant deux mois, il n'a pas plus et il n'y a pas eu de brouillard.
Fig. 6
...Puis un jour, le 10 avril 1961, il est tombé 5.5mm
d'eau. Le lendemain, il en est tombé 6.9mm... et le jour
suivant, à 8 heures du matin, le niveau s'était
élevé d'environ 1mm. Le 13 avril, il pleuvait à
nouveau (6.1 mm) et le niveau, le jour suivant, avait à
nouveau monté d'un millimètre. Donc... le
sarcophage profite de la pluie pour se remplir.
Du reste, voici les valeurs relevées pendant les
derniers quinze jours de ces expériences. Quinze jours
d'observations utiles, c'est peu, mais cela semble quand même significatif.
Les hauteurs de pluie données sont celles
relevées par l'agent des Eaux et Forêts et
envoyées à la Météorologie nationale. Les
niveaux dans le sarcophage sont donnés à partir d'un
zéro arbitraire qui ne correspond pas au fond de ce
sarcophage, et l'échelle graduée (vulgaire
réglette d'écolier), ne permettait pas
d'apprécier les dixièmes de millimètres. De plus
le relevé du niveau était fait chaque matin à 8h
alors que la variation du niveau devait être à peu
près continue, comme nous le verrons plus loin. Notons enfin
que, pendant cette période, aucune expérience (du genre
mastiquage ou autre) n'était prévue et nous n'avons
donc en rien troublé le phénomène.
Fig. 8
Fig. 9
Fig. 10
Fig. 11
Dates |
Pluie |
Niveau de l'eau dans le sarcophage (en mm) |
|
Hauteur (en mm) |
Hauteur cumulée (en mm) |
||
10 avril |
5.5 |
5.5 |
411 |
11 avril |
6.9 |
12.4 |
411 |
12 avril |
0 |
12.4 |
412 |
13 avril |
6.1 |
18.5 |
412 |
14 avril |
11.5 |
30.0 |
413 |
15 avril |
0.3 |
30.3 |
414 |
16 avril |
0.6 |
30.9 |
414 |
17 avril |
18.5 |
49.4 |
415 |
18 avril |
0 |
49.4 |
416 |
19 avril |
0 |
49.4 |
420 |
20 avril |
0 |
49.4 |
420 |
21 avril |
8.5 |
57.9 |
421 |
22 avril |
4.1 |
62.0 |
422 |
23 avril |
1.2 |
63.2 |
422 |
Premières interprétations
Compte tenu de ce que nous avons dit
précédemment, il est difficile de faire une comparaison
valable et d'établir une corrélation parfaite, entre la
courbe des pluies cumulées et la courbe donnant le niveau de
l'eau dans le sarcophage en fonction du temps.
Comme nous avons pu constater par ailleurs que de l'eau avait
mis environ deux jours pour traverser le couvercle, nous avons
été tentés de voir s'il était possible de
superposer la courbe de pluie cumulée à la courbe de
niveau en faisant un décalage de deux jours. Pour obtenir des
courbes à peu près semblables, il faut pour cela
multiplier par 5 l'échelle des niveaux, ce qui montrerait donc
que le cinquième de la hauteur de pluie tombée traverse
le couvercle.
Ce résultat doit être faux car le couvercle a
été taillé dans un marbre
hétérogène, dont certaines zones sont beaucoup
plus poreuses que d'autres (nous y reviendrons). L'eau peut donc
traverser le couvercle en 24 heures peut-être par endroits,
alors qu'il lui faut quatre ou cinq jour pour en traerser d'autres.
D'autre part, il semble, daprès certains recoupements, que la
quantité d'eau traversant le couvercle représente plus
de 20% de la quantité d'eau tombée (une pluie de faible
intensité peut s'infiltrer entièrement, une pluie
d'orage ne donner qu'un apport très faible au sarcophage).
Nous en sommes arrivés à conclure que l'eau met en
moyenne cinq jours pour traverser le couvercle et que un tiers de
l'eau de pluie est récupérée en moyenne dans le
sarcophage (cf. fig.12).
Autres expériences
La conclusion donnée précédemment est
étayée sur d'autres arguments qu'une simple comparaison
graphique. En effet, nos petites expériences et nos
observations ne se sont pas arrêtées là.
Rappelons d'abord certains faits.
Lors de notre voyage à Arles-sur-Tech, nous avons
jeté un coup d'il indiscret à l'intérieur
du sarcophage (nous avions glissé pour cela une ampoule de
pile de poche, au bout de deux fils électriques, de
façon à éclairer l'intérieur). Bien qu'il
fût assez malaisé de faire dans ces conditions un examen
attentif (les interstices entre couvercle et corps du sarcophage sont
rares et étroits !), nous avions vu que de grosses gouttes
d'eau étaient rassemblées en quelques endroits
seulement du couvercle, et notamment dans une zone
déclarée " de production d'eau " par un
radiesthésiste venu examiner le sarcophage en 1951. Or, ce
rapprochement a été fait depuis, était
tombé 8.2 mm d'eau le 3 février 1961, soit vingt jours
avant notre passage. Il semble donc que si la plus grande partie de
l'eau met cinq jours en moyenne pour traverser le couvercle,
l'écoulement de toute l'eau peut être assez long.
Nous avons pu également prélever un peu d'eau du
sarcophage et la verser, goutte à goutte, sur le couvercle de celui-ci.
Un buvard mis à la place du couvercle aurait
donné le même résultat : la goutte disparaissait
presque immédiatement en humidifiant un cercle de plus en plus
grand, et bien que la surface du couvercle soit très en pente,
le cercle mouillé avait son centre exactement au point
d'impact de la goutte. Nous avons pu également remarquer que
certaines zones, qu'il nous a été ensuite facile de
reconnaître avec un peu d'habitude, n'absorbaient pas la goutte
d'eau que l'on y déposait, goutte qui ne s'étalait
même pas (comme une goutte d'eau que l'on dépose sur une
plaque de verre propre).
Enfin, nous avons disposé un anneau en matière
plastique dans une zone déjà reconnue poreuse, et nous
l'avons fixé avec du ruban adhésif souple, de
façon à avoir une liaison étanche. De l'eau
placée à l'intérieur s'est infiltrée dans
la pierre et est réapparue en certains points autour de l'anneau.
Nous avions également remarqué que la surface du
couvercle est irrégulière, et présente notamment
des petits trous hémisphériques de 1 à 2 mm de
diamètre. Nous avons rempli, dix fois de suite, un de ces
trous avec de l'eau, et chaque fois, le trou s'est vidé en 45
secondes environ, alors qu'une goutte-témoin, placée
à proximité sur une plaque métallique, ne
s'était pas encore à moitié
évaporée à la fin de cette expérience.
Pour préciser tout ceci enfin, nous nous sommes
procuré quelques échantillons de marbre, dans la seule
carrière qui ait pu vraisemblablement fournir à
l'époque le matériau dans lequel a été
creusé le sarcophage. Nous avons ainsi pu faire quelques
mesures qualitatives de perméabilité :
- un morceau de marbre de 4 cm d'épaisseur environ a été enduit de paraffine. Un trou borgne de 1 cm de diamètre et 0.5 cm de profondeur environ a été fait dans la face supérieure et, en regard, dans la face inférieure. Nous avons rempli le trou supérieur. Moins de deux jours après une goutte apparaissait à la partie inférieure ;
- Un autre morceau a été également creusé de façon à pouvoir y adapter un tube de verre, avec rondelle d'étanchéité. On a pu ainsi avoir une pression d'eau plus grande, de l'ordre de 20cm à l'origine. En suinza jours, le niveau dans le tube (de 2 cm de diamètre) a baissé de 10cm. Mais comme le marbre n'était pas paraffiné, l'eau s'est évaporée à mesure qu'elle atteignait la paroi inférieure, sans former de gouttes comme précédemment.
Conclusions
Voilà où nous ont conduits ces mesures :
Le couvercle du sarcophage est perméable, et l'eau de
pluie y pénètre, met quatre à six jours en
moyenne pour traverser la pierre, et s'écoule ensuite goutte
à goutte à l'intérieur. Comme il ne peut y avoir
une circulation d'air importante entre l'extérieur et
l'intérieur, il n'y a pratiquement pas d'évaporation et
l'eau peut donc bien s'accumuler. Comme, de plus, l'eau de pluie lave
et attaque même légèrement l couvercle, celui-ci
reste propre et perméable et le phénomène peut
se prolonger indéfiniment.
Pourquoi alors l'eau reste-t-elle dans le sarcophage, puisque
le corps de celui-ci est également en marbre ? Tout d'abord,
la pierre n'a pas rigoureusement le même aspect, et il est
possible qu'elle ait été taillée dans un banc
très peu perméable. D'autre part, l'eau stagnante dans
le sarcophage laisse déposer les moindres particules qu'elle
peut contenir, et il se dépose également le peu de
poussière qui arrive à passer par les intertices. En
fait, nous avons appris que l'on avait ainsi retiré du
sarcophage, en 1950, plus de deux kilos d'une boue noire qui
s'était déposée en cent cinquante-cinq ans au
plus (le sarcophage avait été ouvert en 1795, mais on
ne sait pas s'il a été ouvert entre cette date et
1950). On peut également penser qu'un peu de poussière
est entraînée par l'eau qui ruisselle sur le couvercle
et pénètre entre couvercle et corps
(phénomène de la " goutte pendante " bien
connu des entrepreneurs). Cependant il semble que peu d'eau
pénètre ainsi directement, du moins nos
expériences, trop courtes, n'ont pas permis de s'en rendre
compte. De toute façon, les dépôts ont dû,
au cours des siècles, rendre le sarcophage étanche en
pénétrant dans les pores mêmes de la pierre,
à une profondeur suffisante pour que les quelques nettoyages
qui ont été faits n'aient pu redonner une certaine
perméabilité à la pierre. Rien ne prouve, en
fait, que le sarcophage soit vraiment imperméable. En effet,
entre la fin des mesures et le jour où les appareils ont
été enlevés, le niveau dans le sarcophage a
baissé de 8mm, ce qui correspond à 6 litres d'eau
environ, alors qu'il n'en a été prélevé
que 2 litres. Or, la tramontane a soufflé avec violence
pendant plus de huit jours et l'évaporation, aussi bien
directe qu'à travers la pierre, a dû être intense
(l'hygromètre a indiqué, plusieurs jours de suite,
entre 10 h et 16 h, une humidité relative comprise entre 20 et
30 %).
Une autre conclusion s'impose :
Puisque le couvercle est perméable, le phénomène
de rosée reprend toute sa valeur, car l'eau qui se
dépose sur le couvercle peut ensuite pénétrer.
Là non plus, nos expériences n'ont pas permis
d'apporter un jugement définitif. Cependant, notre observateur
zélé, qui relevait le niveau chaque matin, a
constaté que le sol, certains jours, était humide
à l'aplomb des parois verticales du sarcophage, ce qui semble
prouver que de l'eau se dépose sur le sarcophage le matin vers
5-6 heures. Celle qui se dépose sur les parois verticales
s'écoule en artie, alors que, sur le couvercle, elle peut s'infiltrer.
Enfin, pour montrer, s'il en est encore besoin, que les
résultats obtenus s'accordent avec les faits
d'expériences les plus sérieux relatés à
diverses époques par plusieurs revues et journaux, nous avons
fait une petite enquête pour retrouver la pluviométrie
à Arles-sur-Tech.
Malheureusement, il semble que les relevés n'ont pas
été faits entre juin 1939 et août 1942, et nous
n'avons pas pu pousser aussi loin que voulu nos confrontations.
Notons cependant ces quelques points :
- " d'août à novembre 1939, le niceau est
resté bas, 5 cm à peine. Puis subitement ( ? ?), le
tombeau s'est rempli. ".
Ce constat prouve que l'eau n'arrive pas tout le temps. Mais
nous n'avons pas la pluviométrie de 1939 pour tirer d'autres conclusions.
- Le 3 avril 1942, un constat a été effectué,
signé par dix personnes : " le sarcophage est plein, le
liquide déborde, une grosse goutte tombe toutes les deux
minutes sur le devant du tombeau (*). Or il ne pleut pas ".
Là également, nous n'avons pas pu vérifier
la pluviométrie. Ce qui est certain, en tout cas, c'est
qu'une assiette avait été déposée sous le
point de chute de la goutte, mais il a plu pendant la nuit suivante
et la mesure de débit ainsi tentée a échoué...
D'autre part, il y eut de graves inondations le 29 avril 1942.
La saison devait donc être quand même pluvieuse. Nous
avons d'ailleurs pu constater, sur des périodes plus
récentes, qu'il n'y avait pas de mois de mars, ni de mois
d'avril sans pluie.
- Constat du 7 mars 1950 : " le sarcophage a été
ouvert et nettoyé à cette époque. L'article du
journal se termine ainsi : " ajoutons que huit jours après
cette opération de nettoyage, l'eau apparaissait à
nouveau dans le sarcophage. Actuellement, le niveau de l'eau est de
20 cm environ, ce qui indique un volume d'eau de 165 litres ".
Or, en mars 1950, il est tombé 12 mm d'eau le 15, 6 mm
le 17 et 22.3 mm le 26.
D'autre part, l'article est paru le 13 avril 1951, soit un an après...
- En 1961, M. le Curé a prélevé 600 litres d'eau
dans le sarcophage entre le 1er juin et le 1er décembre.
Si nous examinons les pluviométries annuelles à
Arles-sur-Tech, nous trouvons :
De plus, entre le 25 mai et le 25 novembre, (nous avons
adopté le décalage de cinq jours qui semble être
une moyenne valable) il est tombé 538 mm d'eau.
Or, si le sarcophage était à peu près
plein vers le 25 mai, il a suffi qu'il récupère 270
litres d'eau pendant cette période, ce qui correspond à
330 mm. Ceci montre que le couvercle peut récupérer un
pourcentage d'eau encore plus élevé que celui
supposé précédemment, mais n'est pas en
contradiction avec ce que nous aons dit.
G.P.
(*) Qui est légèrement incliné, ce qui explique
le débordement en un point précis seulement.